Le temps de travail et la durée légale du travail (Partie II)
(vi) Sur le temps de pause
En dispose l’article L. 3121-16 et 17 et 3123-33 du Code du travail
1/ Sur le principe
Durant son temps de travail effectif, le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives.
Il ne peut pas durant ce temps de travail interrompre son activité professionnelle pour s’occuper de ses activités personnelles.
Le temps de pause est donc un arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail.
Le salarié peut librement vaquer à ses occupations personnelles sans avoir à respecter les directives de son employeur (pour téléphoner, prendre un café, fumer une cigarette).
La Loi ne prévoit ni aménagement des conditions de travail, ni des temps de pause supplémentaires pour les femmes enceinte.
Toutefois, il est possible de prévoir par convention collective ou accord d’entreprise des temps de repos supplémentaires pour les femmes enceintes.
Ceci ne sera pas vu comme une disposition discriminatoire mais plutôt comme une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs.
2/ Sur la durée et la fréquence de la pause
Un temps de pause d’au moins 20 minutes consécutives est accordé au salarié, dès qu’il a travaillé 6 heures consécutives, en application de l’article L. 3121-33 du Code du travail.
Cette disposition est d’ordre public.
Les jeunes travailleurs bénéficient quant à eux de 30 minutes après 4h30 de travail (article L. 3162-3 du Code du travail).
La pause est accordée soit immédiatement après 6 heures de travail, soit avant que cette durée de 6 heures ne soit entièrement écoulée.
Cela signifie que le salarié ne peut exiger de prendre une pause après 5 heures et 40 minutes de travail.
Il doit avoir effectué 6 heures de travail effectif avant d’être en droit de prendre une pause de 20 minutes (Cass soc 13 mars 2001 n° de pourvoi 99-45254).
Un temps de pause supérieur peut être fixé par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement (ou, à défaut, par convention ou accord de branche).
Le temps du déjeuner, qui s’intercale entre deux périodes de travail effectif, est considéré comme un temps de pause.
La pause déjeuner fait donc partie du temps de pause légal.
Les 20 minutes d’arrêt peuvent être prises avant l’échéance des 6 heures, aux alentours de midi par exemple. En effet, la loi ne prévoit pas de pause déjeuner.
La période de restauration doit être prise sur le temps de pause quotidien. L’employeur est donc en droit de n’accorder que 20 minutes de pause restauration par jour.
Pour les jeunes travailleurs de moins de 18 ans, aucune période de travail effectif ininterrompue ne peut excéder une durée maximale de quatre heures et demie.
Lorsque le temps de travail quotidien est supérieur à quatre heures et demie, les jeunes travailleurs bénéficient d’un temps de pause d’au moins trente minutes consécutives.
Lorsque le salarié est tenu de porter une tenue de travail, les temps consacrés à l’habillage et au déshabillage sur le lieu de travail ne sont pas considérés comme temps de pause ni comme temps de travail effectif. Ils doivent cependant faire l’objet d’une contrepartie au bénéfice du salarié pouvant être accordée sous forme de repos ou de primes.
3/ Sur le fractionnement du temps de pause
Chaque salarié peut fractionner son temps minimum en de multiples pauses.
En principe, un salarié peut donc prendre 4 pauses de 5 minutes par exemple, et un autre en prendre 2 de 10 minutes.
Attention toutefois puisque l’employeur peut parfaitement imposer le temps de pause dans certaines filières telles que les centre d’appels, l’industrie, la restauration, l’hôtellerie par exemple, c’est-à-dire dans toutes les filières où il est important sinon essentiel que le temps de pause soit organisé.
Côté employeur la pause de 20 minutes ne se fractionne pas.
Deux pauses de 15 minutes séparées ne peuvent pas se substituer à l’obligation légale d’une pause continue de 20 minutes, peu important, en outre, qu’une pause de durée inférieure soit rémunérée.
Il revient à l’employeur, qui dispose des éléments de preuve en matière de durée du travail, d’établir qu’il a respecté le temps de pause.
4/ Sur la rémunération
L’article L. 31212 dispose :
« Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 sont réunis ».
Chaque temps particulier doit donc être examiné à la lecture des 3 critères du temps de travail.
Pendant le temps de pause, le salarié ne se trouve pas sous la direction de son employeur.
La pause n’est en principe pas rémunérée, puisqu’elle n’est pas comptée comme un temps de travail effectif.
En revanche, le temps de pause doit être rémunéré dès lors qu’il remplit les conditions du temps de travail effectif.
C’est notamment le cas lorsque le salarié est tenu d’exercer une surveillance permanente de son poste de travail ou lorsqu’il accomplit une directive de son employeur pendant son temps de pause (lorsque l’employeur qui attend un appel demande à un salarié de surveiller le téléphone pendant son temps de pause).
C’est par exemple l’hypothèse d’une secrétaire contrainte de rester à son poste de travail pendant sa pause pour répondre aux appels téléphoniques.
Ou s’il ne peut s’éloigner de son poste de travail pendant sa pause (Cass. Soc. du 12 octobre 2004).
Ou s’il est tenu de prendre son repas sur son lieu de travail (Cass. Soc. du 4 janvier 2000).
Ou celle d’un employé de station-service qui travaille seul la nuit et doit rester à la disposition de l’employeur pour recevoir les clients, de sorte qu’il ne peut vaquer librement à des occupations personnelles et prendre ses pauses. (Cass soc 13 janvier 2010 n° de pourvoi 08-42716).
Il a également été jugé qu’un cuisinier qui était contraint de prendre ses repas sur place ne disposait, à raison de son emploi, d’aucune liberté pendant ce temps et cette période de pause « casse-croûte » constituait un temps de travail effectif (Cass soc 4 janvier 2000 n° 97-43026).
Dans cette hypothèse, le salaire est maintenu et le temps de pause est pris en compte dans le calcul de la rémunération.
Des dispositions conventionnelles plus avantageuses peuvent s’appliquer.
Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou une convention ou un accord de branche peut prévoir que le temps de pause sera systématiquement rémunéré.
En l’absence d’accord, le régime du temps de pause applicable peut être mentionné dans le contrat de travail.
5/ Sur la localisation du lieu de la pause
Rien n’interdit l’employeur a imposer au salarié de prendre sa pause sur son lieu de travail.
La période de pause a en effet été définie par la jurisprudence comme étant un « arrêt de travail de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité » (Cass soc 12 octobre 2004 n° de pourvoi 03-44084).
L’employeur, qui exerce le pouvoir de direction, est donc en droit de décider que la pause s’exercera exclusivement sur le lieu de travail, par exemple pour des raisons de sécurité.
Mais dans cette hypothèse, les salariés doivent être libres de pouvoir vaquer à des occupations personnelles sans être contraints de demeurer en permanence à la disposition de l’employeur.
A défaut, c’est du temps de travail effectif.
C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans l’affaire suivante :
- Des salariés travaillant sur le site pétrolier Atofina, classé « Seveso 2 » étaient tenus, pendant leur pause, de rester dans un local vitré d’où ils devaient surveiller leurs machines pour répondre et intervenir en cas d’alerte des signaux de leur poste de travail.
Aucun roulement n’était mis en place pour leur remplacement.
Après avoir rappelé que « la période de pause n’est pas incompatible avec des interventions éventuelles et exceptionnelles demandées durant cette période au salarié en cas de nécessité, en particulier pour des motifs de sécurité » , la Cour de cassation constate que ces périodes de pause rémunérées n’étaient pas prises en compte dans le décompte du temps de travail effectif et n’étaient donc pas conformes aux dispositions légales et conventionnelles (Cass soc 12 octobre 2004 n° de pourvoi 03-44084 ).
Mais le seul fait d’interdire au salarié de quitter l’établissement pendant sa pause ne permet pas à celui-ci de considérer que son temps de pause aurait le caractère de temps de travail effectif.
C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation :
- « La seule interdiction faite aux salarié de quitter l’établissement ou le site pendant la pause ne constitue pas un élément de nature à conférer au temps de pause le caractère de temps de travail effectif » (Cass Soc 5 avril 2006 n°de pourvoi 05-43061 ; Cass soc 19 mai 2009 n°de pourvoi 08-40208 ).
En d’autres termes, que le salarié soit astreint par l’employeur de prendre sa pause dans l’établissement ou bien qu’il soit libre de la prendre à proximité, peu importe.
Il suffit qu’il ait la possibilité de vaquer à des occupations personnelles.
En ce cas, la pause n’est pas obligatoirement rémunérée (sauf dispositions conventionnelles plus favorables) et ne peut être assimilée à du temps de travail effectif.
6/ Sur les accidents de travail ou de trajets
Un accident survenu pendant une pause prise sur le lieu de travail est considéré comme un accident de travail.
Cette solution s’applique également lorsque l’accident a lieu dans le local mis à disposition des salariés pour se restaurer.
Si le salarié se blesse sur la route entre le lieu de travail et le restaurant où il déjeune habituellement, il sera considéré comme ayant été victime d’un accident de trajet.
7/ Sur les sanctions
Une tolérance existe concernant les temps de pause au travail dès lors que le salarié les prend de manière raisonnable, tant en termes de fréquence que de durée.
En pratique, un employeur peut sanctionner des abus par un simple blâme, une mise à pied disciplinaire voire un licenciement pour faute.
Le salarié qui estime que l’employeur ne respecte pas les temps de pause peut alerter l’inspection du travail et saisir le conseil de prud’hommes (CPH).
C’est à l’employeur de prouver qu’il s’est acquitté de son obligation d’accorder aux salariés un temps de pause (Cass soc 17 octobre 2012 n° 10-17370 ).
8/ Sur l’enjeu du respect des temps de pause au travail
Le droit au repos a pour enjeu la protection de la sécurité et la santé des travailleurs.
Si un salarié estime que son employeur ne respecte pas les temps de pause, il peut mener une action en justice, au conseil des prud’hommes.
Création : Décembre 2020 – MAJ : /