Le cumul du mandat social et du contrat de travail (partie 2)
Et s’il existait un contrat de travail écrit
Il conviendrait alors de rechercher la licéité du cumul des fonctions de mandataire social et salarié.
Rappelons qu’une jurisprudence constante fixe trois critères principaux et cumulatifs pour apprécier l’existence et la validité du cumul :
- L’existence d’un lien de subordination ;
- L’existence d’une rémunération ;
- L’existence de fonctions techniques distinctes de celles de mandataire social.
1/ Sur l’existence d’un lien de subordination
C’est la jurisprudence qui a posé les critères à remplir pour caractériser le lien de subordination,
- Cour de cassation, Ch. Soc. 13 novembre 1966 ; arrêt n° 94-13.187
« Vu l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles L. 121-1 du Code du travail et 620, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; (…) ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. »
Ainsi, en cas de litige concernant la validité du contrat de travail, les juges vont rechercher notamment s’il existe un lien de subordination entre la Société et le mandataire social.
Par exemple, si le dirigeant est soumis à des instructions précises, de préférences par écrit ; s’il existe des comptes rendus d’activité effectués régulièrement, si les horaires de travail du subordonné sont contrôlés.
De même, les juges rechercheront l’existence du caractère subordonné ou non des fonctions techniques.
Il en découle qu’on ne peut être salarié « sous sa propre autorité ».
C’est au mandataire social, qui se déclare titulaire d’un contrat de travail dans la Société de démontrer le caractère réel de son contrat et en particulier l’existence d’un lien de subordination :
- Cour de cassation, Ch. Soc. 5 février 1981, n° 79-14.798 :
« Mais attendu que l’arrêt a exactement rappelé que si le cumul est possible entre un mandat social, (…) et un contrat de travail, c’est à la condition que les fonctions salariées (…) soient exercées dans un état de subordination à l’égard de la société (…) et qu’ils ne font << aucune allusion à une éventuelle subordination >> a l’égard de la société ; (…) ».
- Cour de cassation, Ch. Soc. 1er décembre 1993, N° 91-43.371 :
Attendu que, (…) d’autre part, la cour d’appel ne pouvait, appréciant l’existence d’un lien de subordination entre M. A… et les associés de la société D…, déclarer que celui-ci ne communique « rigoureusement aucune pièce établissant qu’il aurait été sous la subordination effective de M. Y…, associé majoritaire » ; (…) ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil ».
2/ Sur l’existence d’une rémunération distincte
Au même titre qu’il convient de distinguer clairement les fonctions de mandataire social et la fonction salariée, la rémunération doit elle aussi être distincte.
En termes de rémunération, l’article L. 225-53 du Code de Commerce dispose : « Le conseil d’administration détermine la rémunération du directeur général et des directeurs généraux délégués dans les conditions prévues à l’article L. 225-37-2 ».
Et l’article L. 225-37-2 du Code de Commerce dispose : « Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les principes et les critères de détermination, de répartition et d’attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux président, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués, en raison de leur mandat, font l’objet d’une résolution soumise au moins chaque année à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires dans les conditions prévues à l’article L. 225-98 et au deuxième à avant-dernier alinéas du présent article. (…) ».
Il en ressort qu’une rémunération distincte n’est cependant pas suffisante. (Cour de cassation, chambre sociale 23 mai 2007 n°05-44.714).
3/ Sur L’existence de fonctions techniques distinctes de celles du mandat social
Afin d’apprécier la validité du contrat de travail, ce dernier doit être rédigé par écrit pour apporter un élément de preuve en cas de litige.
En tout état de cause, plus la société est de petite taille, plus il sera difficile de prouver la réalité du contrat de travail supposé du mandataire social. Il convient donc de détailler minutieusement les tâches exercées à l’égard du mandat social et d’autre part en tant que salarié.
Les juges vont étudier s’il existe des fonctions techniques distinctes en recherchant si les fonctions du salarié sont bien séparées de celles de la gestion de la Société :
- Cour de cassation, chambre sociale 23 mai 2007 n°05-44.714 : « Attendu 2°) que la cour d’appel, qui fait état d’éléments confirmant essentiellement les attributions financières et de gestion dévolues à M. X… par son mandat social, n’a pas caractérisé ni les fonctions commerciales exercées par celui-ci au titre d’un contrat de travail prétendu, ni surtout en quoi elles étaient distinctes de celles lui incombant en sa qualité de président-directeur général chargé de la gestion et de la direction de la société, et a, ce faisant, derechef privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-1 du Code du travail. »
Dans cette décision, la validité du contrat de travail de directeur commercial suppose de caractériser des fonctions commerciales qui soient distinctes de celles qui lui incombent en sa qualité de directeur général.
- Cour de cassation, 19 décembre 1979 n°78-13.664 : « Sur le second moyen : Attendu que l’arrêt a relevé que le contrat de travail avait été conclu quelques jours après que H… eut été nomme gérant, qu’il ne comportait l’indication d’aucune fonction technique spéciale et reproduisait pour l’essentiel les énonciations de la délibération qui l’avait investi d’un mandat social, (…) ; que la cour d’appel qui en a déduit que ce prétendu contrat de travail avait pour seul objet de faire échec a la règle de la libre révocation des mandataires sociaux et ne correspondait a aucun emploi effectif, ce dont il résultait qu’il était fictif a, par ce seul motif, légalement justifie sa décision. »