La vidéosurveillance ou vidéoprotection en entreprise
Le point à retenir
Les environnements de travail sont de plus en plus équipés de dispositifs de vidéosurveillance.
Le déploiement d’un dispositif de vidéosurveillance est susceptible de porter atteinte aux droits des personnes et aux libertés collectives, dès lors, de telles restrictions aux libertés doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
S’ils sont légitimes pour assurer la sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions, de tels outils ne peuvent pas conduire à placer les employés sous surveillance constante et permanente.
Si la loi autorise la présence de caméras dans l’entreprise, cette dernière ne peut en aucun cas entrainer une atteinte au respect de la vie privée des salariés, notamment par la surveillance de vestiaires ou de locaux affectés au repos des salariés.
Dans tous les cas, les salariés et les Institutions Représentatives du Personnel (IRP) doivent être informés de la présence d’un système de vidéosurveillance.
Si certains droits sont reconnus à l’employeur pour contrôler l’activité de ses salariés sur leur temps et lieu de travail, il doit respecter un cadre strict.
La loi et la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) encadrent strictement ce que l’employeur est en droit de faire en matière de vidéosurveillance mais aussi en termes de navigation sur Internet et de géolocalisation.
Concernant la surveillance des salariés, il y a trois principes à respecter :
- L’obligation de loyauté ;
- L’employeur ne peut pas piéger un collaborateur ;
- L’obligation de proportionnalité ;
- Le système mis en place doit obligatoirement être proportionné au regard des intérêts protégés ;
- L’obligation d’intimité des salariés ;
- Le respect de la vie privée des salariés est essentiel.
La vidéosurveillance dans l’entreprise
L’utilisation de la vidéosurveillance dans l’entreprise doit être justifiée par un intérêt légitime prépondérant de l’entreprise, en application de l’article L.1121-1 du Code du travail.
Ce peut être par exemple le risque de vols dans l’entreprise, la surveillance d’un poste de travail particulièrement dangereux.
L’employeur est autorisé à mettre en place un système de vidéosurveillance permettant le contrôle de ses salariés, en respectant certaines conditions préalables, en témoigne l’arrêt de la Cour de Cassation en chambre Sociale du 07.06.2006, n° 04-43866 :
- Il doit respecter les libertés individuelles et la vie privéedes salariés ;
- Il doit consulter les représentants du personnel et informer les salariés ;
- Il doit prévoir un droit d’accès aux enregistrements visuels les concernant.
Le respect de la vie privée des salariés
Principale règle de la vidéosurveillance en entreprise, les caméras ne peuvent pas filmer directement un salarié sur son poste de travail.
La mise en place d’un système de vidéosurveillance ne doit en aucun cas conduire à une mise sous surveillance généralisée et permanente des salariés, notamment dans les lieux où il n’y a pas de risque de vol.
La vidéosurveillance peut filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés.
Ces systèmes ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières, notamment des employés manipulant de l’argent ou des objets de valeur par exemple.
Dans ce cadre, le système de vidéosurveillance ne doit pas être pointé vers la personne, mais vers la caisse ou l’endroit où sont stockés les biens de valeur. En effet, sur le lieu de travail comme ailleurs, les employés ont impérativement droit au respect de leur vie privée.
Il est donc interdit de placer une caméra de vidéosurveillance dans les vestiaires, les salles de pause ou zones de repos des employés, ni l’accès aux toilettes ou aux douches Si des dégradations sont commises sur les distributeurs alimentaires par exemple, les caméras ne doivent filmer que les distributeurs et non toute la pièce.
Enfin, ces systèmes ne doivent pas filmer les locaux syndicaux ou des représentants du personnel, ni leur accès lorsqu’il ne mène qu’à ces seuls locaux.
De même, il est interdit à l’employeur de mettre en place un système de vidéosurveillance dans le seul but de contrôler l’activité professionnelle des salariés.
Cela n’est pas l’objet de ce système.
Il n’est pas non plus permis de positionner de caméra au-dessus de la pointeuse, pour surveiller les horaires des salariés.
Les couloirs, entrées et sorties des bâtiments, issues de secours et voies de circulation peuvent en revanche être surveillés par des caméras, mais dans tous les cas l’entreprise doit respecter un principe de proportionnalité et disposer les caméras de manière à ne filmer qu’un endroit précis, et non des plans très larges.
L’information des salariés et des IRP de l’existence d’un système de télésurveillance
Dans tous les cas, les salariés et les IRP doivent être informés, individuellement et collectivement, de la présence d’un système de vidéosurveillance et préciser très exactement la finalité de la mise en place de ce système et la ou les personne(s) référente(s).
Par principe, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance, en dispose l’article L. 1222-4 du Code du travail.
Cette prescription vise notamment les systèmes de vidéosurveillance mais aussi de badgeuse de contrôle des entrées et sorties des salariés, détecteurs magnétiques, autocommutateurs téléphoniques.
Dans tous les cas, en application de la loi « Informatique et libertés », les salariés doivent être informés individuellement de l’existence des traitements contenant des données personnelles les concernant par note, affichage, publication dans le journal interne, courriel, en application de la loi 78-17 du 6 janvier 1978.
En ce sens, la jurisprudence a d’ores et déjà fait savoir qu’une simple information par voie d’affichage dans les locaux de l’entreprise s’avère insuffisante.
Si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle clandestin et, à ce titre, déloyal. Le moyen de preuve ainsi obtenu est illicite en décide l’arrêt de la Cour de cassation du 04.07.2012, n° 11-30266.
Ainsi que précisé, les IRP doivent être informées et consultées avant toute décision d’installer des caméras.
Le Comité d’Entreprise et le CHSCT doivent être informés et consultés, ou à défaut, les Délégués du Personnel, sur les moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés, préalablement à la décision de sa mise en œuvre dans l’entreprise, en dispose l’article L. 2323-22 du Code du travail.
L’obligation de consulter et d’informer le CE s’applique, y compris si le traitement en cause échappe à l’obligation déclarative auprès de la CNIL car il ne contient pas de données personnelles en décide l’arrêt de la Cour de Cassation du 19.03.2008, n° 06-42284.
Les instances remettent un avis, que l’entreprise peut ne pas suivre.
Si cette procédure n’est pas respectée, l’entreprise est coupable de « délit d’entrave » et risque jusqu’à 3 750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement, en application de l’article L. 4742-1 du Code du travail.
L’employeur a donc le droit de contrôler et de surveiller ses salariés, mais seulement dans le cadre d’un contrôle de leur activité et à la condition de les avoir informés préalablement.
C’est en ce sens que statue la Cour d’Appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 13 juin 2014 n° 12/06776.
Les personnes concernées, employés et/ou visiteurs, doivent être informées, au moyen d’un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéosurveillance :
- De l’existence du dispositif ;
- Du nom de son responsable ;
- De la procédure à suivre pour demander l’accès aux enregistrements visuels les concernant.
De plus, chaque employé́ doit être informé individuellement, au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service.
Un affichage et une information est donc obligatoire, qui doit non seulement mentionner la présence des caméras, mais aussi la procédure pour accéder aux images et le responsable du système.
Les déclarations de la vidéosurveillance dans l’entreprise
Tout système de vidéosurveillance doit faire l’objet d’une déclaration extérieure à l’entreprise.
Les formalités à accomplir peuvent varier en fonction des lieux qui sont filmés.
Auprès de la CNIL
Si les caméras filment un lieu non ouvert au public, lieux de stockage, réserves, zones dédiées au personnel, le dispositif doit être déclaré à la CNIL.
Une déclaration doit être effectuée pour chaque site ou établissement équipé́.
Un système de vidéoprotection utilisé dans des locaux non ouverts au public constitue un traitement automatisé de données à caractère personnel soumis à la loi « informatique et libertés » si deux conditions sont remplies :
- Les images doivent faire l’objet d’un enregistrement et d’une conservation. Il ne s’agit pas de les visionner en temps réel mais bien de les conserver ;
- L’employeur doit être en mesure d’identifier les personnes filmées sur la vidéo.
Ces conditions sont cumulatives.
Si elles sont remplies, l’employeur doit procéder à une déclaration préalable auprès de la CNIL.
Un système qui n’aurait pas fait l’objet d’une déclaration à la CNIL ne peut être opposé aux employés.
Auprès de la préfecture
Si les caméras filment un lieu ouvert au public, espaces d’entrée et de sortie du public, zones marchandes, comptoirs, caisses, le dispositif doit être autorisé par le préfet du département (le préfet de police à Paris).
Le formulaire peut être retiré auprès des services de la préfecture du département ou téléchargé́ sur le site du ministère de l’Intérieur. Il peut également être rempli en ligne sur le site : https://www.televideoprotection.interieur.gouv.fr.
La consultation des images
Seules les personnes habilitées, désignées auprès de la CNIL, et dans le cadre de leurs fonctions peuvent avoir accès à ces images et visionner les images enregistrées, par exemple : le responsable de la sécurité́ de l’organisme.
Ces personnes doivent être particulièrement formées et sensibilisées aux règles de mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance.
L’article 34 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée dispose que Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès.
Il est possible d’utiliser les images de caméra de surveillance pour se retourner contre un salarié seulement si la procédure est respectée et si l’utilisation des images est faite dans le but déclaré initialement. Autrement, les images seront considérées comme des preuves non opposables.
Le temps de conservation des images
Les images doivent être conservées pour une période limitée, qui ne doit pas excéder un mois.
En règle générale, l’on conserve les images quelques jours sauf à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident permettant d’enclencher d’éventuelles procédures disciplinaires ou pénales.
Si de telles procédures sont engagées, les images sont alors extraites du dispositif, après consignation de cette opération dans un cahier spécifique, et conservées pour la durée de la procédure.
Les recours et les sanctions
Si un dispositif de vidéosurveillance ne respecte pas les règles prescrites, le chef d’entreprise s’expose à un certain nombre de sanctions.
Le salarié peut saisir :
- Le service des plaintes de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés :
- La CNIL peut contrôler tous les dispositifs installés sur le territoire national, qu’ils filment les lieux fermés ou ouverts au public ;
- La CNIL peut prononcer des sanctions financières atteignant 150 000 euros au maximum, bien qu’elles s’avèrent bien moins élevées en matière de vidéosurveillance. Pour la commission, la publication de la sanction s’avère sans doute bien plus contraignante pour l’entreprise.
- Les services de l’Inspection du Travail (DIRECCTE) ;
- Les services de la préfecture, si les caméras filment des lieux ouverts au public ;
- Les services de police ou de gendarmerie ;
- Le Procureur de la République :
- Les chefs d’entreprise peuvent évidemment être sanctionnés par la justice. Sur le volet pénal,l’article 226-1 du Code pénal sanctionne l’enregistrement de l’image d’une personne à son insu dans un lieu privé. Une peine d’un an d’emprisonnement peut être prononcée tandis que l’amende peut s’élever à 45 000 euros ;
- Une entreprise peut alors se voir interdire d’exercer l’activité dans le cadre de laquelle l’infraction a été commise. Une peine d’un an d’emprisonnement peut également être prononcée tandis que l’amende peut s’élever à 225 000 euros, personne morale oblige ;
- En cas de collecte déloyale ou illicite et en application de l’article 226-18 du Code pénal, le chef d’entreprise s’expose à une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ;
- La sanction est la même en cas de conservation trop longue des données collectées, en dispose l’article 226-20 du même code, de détournement de la finalité du dispositif, en dispose l’article 226-21 du même code, ou d’absence de déclaration à l’autorité compétente, en dispose l’article 226-16 du même code.
- Les Conseils de Prud’hommes :
- Sur le plan du droit du travail, le risque pour un chef d’entreprise est de se voir invalider « des procédures de sanctions disciplinaires ou de licenciement invalidées si elles sont fondées sur des dispositifs de vidéosurveillance non-légitimes ou dont la mise en place n’a pas respecté les procédures d’information préalable requises » ;
- Le Tribunal de Grande Instance
- Sur le terrain civil, « un salarié pourrait demander des dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait de sa surveillance ».
Les textes de référence
- La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers aux libertés, version consolidée au 21 janvier 2018 ;
- Loi Loppsi du 14 mars 2011 ;
- Le Code de la sécurité́ intérieure :
- Articles L. 223-1 et suivants, sur la lutte contre le terrorisme ;
- Articles L. 251-1 et suivants, lorsque les caméras filment des lieux ouverts au public.
- Le Code du travail :
- Article L. 2323-32, sur l’information et la consultation des instances représentatives du personnel ;
- Articles L. 1221-9 et L. 1222-4, sur l’information individuelle des salariés ;
- Article L. 1121-1, sur le principe de proportionnalité́.
- Le Code civil :
- Article 9, sur la protection de la vie privée ;
- Le Code pénal :
- Article 226-1, sur l’enregistrement de l’image d’une personne à son insu dans un lieu privé ;
- Article 226-16, sur la non déclaration auprès de la CNIL ;
- Article 226-18, sur la collecte déloyale ou illicite ;
- Article 226-20, sur la durée de conservation excessive ;
- Article 226-21, sur le détournement de la finalité du dispositif ;
- Article R. 625-10, sur l’absence d’information des personnes.
- La jurisprudence :
- La délibération de la CNIL du 17 juillet 2014 n° 2014-307 qui fait un rappel explicite des lois applicables sur :
- Le manquement à l’obligation de veiller à l’adéquation, à la pertinence et au caractère non excessif des données, à travers le 3° de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ;
- Le manquement à l’obligation de définir une durée de conservation à travers l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ;
- Le manquement à l’obligation d’informer les personnes à travers le I de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ;
- Le manquement à l’obligation d’assurer la sécurité et la confidentialité des données à travers l’article 34 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée.
- Communiqué CNIL du 12 septembre 2013 ;
- Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 9èmech B, arrêt du 13 juin 2014 n° 12/06776 ;
- Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 4 juillet 2012, n° 11-30266 ;
- Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 19 mars 2008, n° 06-42284 ;
- Cour de Cassation, chambre sociale, arrêt du 6 juin 2006, n° 04-43866.