Les différents modes de rupture ou de cessation du contrat de travail (Partie III)
2. Sur les motifs non disciplinaires
Il s’agit des faits « non fautifs » constatés par l’employeur et qui lui permettent de renvoyer le salarié, seulement lorsqu’ils constituent une cause réelle et sérieuse selon l’appréciation des juges.
À l’issue de la rupture, l’employé, n’étant pas considéré comme fautif, a droit aux indemnités légales.
Parmi elles, il y a l’indemnité légale ou conventionnelle, l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés, ou encore le transfert du CPF (anciennement DIF).
Il en est de même lorsqu’il n’a pas bénéficié d’une formation professionnelle continue adaptée à son emploi (article L. 6321-1 du Code du travail).
Il peut même réclamer des dommages-intérêts pour irrespect de cet article.
L’une des raisons suivantes peut être invoquée par l’employeur.
a/ Sur l’insuffisance professionnelle
Cela relève des compétences de l’employé et le licenciement peut alors intervenir lorsque celui-ci ne remplit pas les missions qui lui ont été confiées à son poste de travail, faute d’inaptitude.
La procédure de renvoi doit reposer sur des faits objectivement précis, vérifiables (Cass. Soc. 20 sept 2006, n°0448381) et qui sont imputables à l’employé.
En effet, la responsabilité est partagée avec l’employeur qui s’est occupé du recrutement et qui a le devoir d’assurer l’adaptation de ses salariés à l’évolution de leur emploi (art L930-1 CT).
b/ Sur l’insuffisance de résultats
Ce motif n’est reconnu que s’il constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La vérification des juges se penchera notamment sur les conditions de travail (sanctions répétées, atteintes morales…), la conjoncture économique au moment de la baisse des résultats (situation du marché), les éventuelles responsabilités même partielles de l’employeur dans l’échec et essentiellement sur les objectifs s’ils sont réalisables.
Par ailleurs, « l’insuffisance de résultats ne peut constituer en soi une cause de licenciement ; (…) la baisse de résultats ne peut justifier un licenciement que si cette baisse procède d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute imputable au salarié » (Cass. soc. 22 janvier 2003).
c/ Sur la mésentente et/ou la perte de confiance
Ce motif ne constitue pas en lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement.
« Un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs ; la perte de confiance ne constitue pas en soi un motif de licenciement ».
Or, ce motif a tendance à être constaté en toute subjectivité, dans la mesure où il peut s’agir de différence de point de vue sur la gestion des affaires ou de désaccords entre les employés eux-mêmes, entre salariés / employeur, entre un travailleur et un tiers à l’entreprise.
Les juges n’acceptent alors le licenciement comme ayant une cause réelle et sérieuse que si la mésentente nuit au bon fonctionnement de l’entreprise et que le salarié en est le responsable.
Aussi, une perte de confiance doit être vérifiable par le tribunal, c’est-à-dire relever de faits objectifs constatés parallèlement par les juges et l’employeur.
d/ Sur l’absence pour maladie
Il s’agit d’un licenciement initié par l’employeur lorsque le salarié est absent trop fréquemment ou trop longtemps en raison d’une maladie et que le fonctionnement de l’entreprise s’en trouve désorganisé.
Cela ne concerne pas toutefois ceux qui sont victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
Aussi, « aucun salarié ne peut être […] licencié en raison de son état de santé ou de son handicap » selon l’article L. 1132-1 du Code du Travail, sauf s’il est déclaré inapte par le médecin du travail.
Dans cette optique, le motif d’absence pour maladie connaît de nombreuses subtilités que l’employeur doit scrupuleusement étudier avant sa décision.
Il doit notamment fonder la nécessité du licenciement sur un motif autre que l’état de santé de l’employé.
Il faut que cela relève d’une situation objective selon laquelle les absences répétées ou trop longues du travailleur malade perturbent vraiment le fonctionnement de l’entreprise (Soc., 16 juillet 1998, pourvoi n° 97-43.484, Bull. 1998, V, n° 394 ; Soc., 13 mars 2001, pourvoi n° 99-40.110, Bull. 2001, V, n° 84).
Cette hypothèse est par exemple fondée sur les conséquences de la maladie qui sont les absences et non pas la maladie elle-même.
Comme pour les autres motifs précédemment invoqués, la cause du licenciement en raison d’absences pour maladie doit être réelle et sérieuse.
La procédure à suivre est celle du droit commun.
Il appartient au conseil des prud’hommes de statuer souverainement sur les motifs invoqués par l’employeur.
Cela se repose sur 4 conditions cumulatives :
- La justification de la désorganisation objective de l’entreprise suite aux absences ;
- La preuve de la nécessité de remplacement définitif du salarié ;
- La preuve de la procédure de remplacement « total » ;
- Le respect d’un « délai raisonnable » pour le remplacement par rapport à la date de licenciement.
Le salarié peut contester les motifs ou les procédures entamées par l’employeur. Cela est notamment valable lorsque celui-ci l’a juste remplacé par un CDD ou un intérimaire ou lorsque les tâches ont juste été sous-traitées.
e/ Sur l’inaptitude physique à la tenue de l’emploi
L’inaptitude physique est un motif de licenciement qui est impérativement constaté et déclaré par le médecin du travail, après les tentatives de prolongation de l’arrêt maladie par le médecin traitant.
En principe, il appartient à l’employeur d’organiser la visite médicale de reprise effectuée auprès du médecin du travail (article R. 4624-21 du Code du travail).
Le résultat peut révéler une aptitude simple ou avec réserve, une inaptitude à l’emploi antérieur ou une inaptitude durable à l’emploi.
Dans les deux premiers cas, l’employé peut retrouver son poste de travail, mais la « réserve » formulée implique l’organisation d’un deuxième examen pour statuer sur la possibilité de reprise de l’emploi.
Dans les deux derniers cas, l’employeur a l’obligation de « reclasser » le salarié vers un poste autre que le précédent qui est l’objet de l’inaptitude.
Il doit pour cela se référer aux propositions du médecin du travail en termes de mutation ou de transformation de poste (article L. 4624-1 et suivants du Code du travail).
L’inaptitude durable à l’emploi quant à elle suppose automatiquement le licenciement avec des droits à toutes les indemnités conventionnelles et/ou légales pour l’employé.
L’inaptitude ne peut être déclarée par le médecin du travail qu’à l’issue de deux visites médicales espacées de deux semaines.
Le licenciement ne peut par ailleurs intervenir qu’en cas d’impossibilité de reclassement ou de refus du salarié à occuper le poste proposé.
L’avis du médecin du travail est contestable par les deux parties au contrat dans les deux mois qui suivent la décision (article L. 4624-1 et R. 4624-35 du Code du travail ; décision du Conseil d’État du 14/10/2011 n° 344133).