La préparation à la « Garde à vue » (Partie 4)
La « garde à vue », c’est surtout un avocat
Un des droits accordés au gardé à vue est celui d’être assisté par un avocat dès le début de la procédure, en dispose l’article 64-4-2-1 du Code de Procédure Pénale (CPP).
C’est aujourd’hui un droit fondamental et sa remise en question par la voie législative est devenu impossible.
L’avocat pourra être directement choisi par le mis en cause qui indiquera aux Officiers de Police Judiciaire (OPJ) son identité afin que ce dernier soit prévenu par la permanence du barreau.
Dans l’hypothèse où il serait injoignable ou si le gardé à vue n’en connaitrait pas, il pourra lui en être commis un d’office.
Le mis en cause aura enfin la possibilité et le choix de se défendre seul sans solliciter son assistance.
Un entretien avec son avocat durant 30 minutes dès le début de la garde à vue et à chaque prolongement de la mesure
Le Code de Procédure Pénale (CPP) stipule que le mis en cause peut communiquer avec son avocat pendant une durée ne pouvant excéder 30 minutes.
Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, le gardé à vue peut, à sa demande, s’entretenir à nouveau avec son avocat dès le début de la prolongation.
Le mis en cause peut également demander à ce que son avocat assiste à ses auditions et confrontations.
La présence de l’avocat, dès le début de la mesure, est nécessaire, pour plusieurs raisons :
- Tout d’abord parce qu’il va être le premier véritable contact « du monde extérieur », synonyme de réconfort et d’apaisement pour le gardé à vue.
Il faut bien rappeler le contexte. Lors de sa fouille, le suspect s’est vu confisquer la quasi-totalité de ses biens, il est donc dans l’incapacité de se situer dans le temps. Le rôle de l’avocat est donc de l’informer précisément de la date et de l’heure « Cher Monsieur, nous sommes le 15 avril 2019, il est 00h43, vous vous trouvez dans les locaux de police judiciaire depuis maintenant plus de 2 heures. Vous avez été placé en garde à vue le 14 avril 2019 à 22h43. Cela signifie que cette procédure arrivera à son terme le 15 avril 22h43. En fonction des nécessités de l’enquête, cette mesure pourra être prolongée (plusieurs fois) de 24 heures supplémentaires. Voici le ou les faits que l’on vous reproche… »;
- L’avocat pourra contrôler que la garde à vue de son client se déroule correctement, et faire d’éventuels commentaires sur ses conditions ;
- En fonction des éléments qui lui seront communiqués, l’avocat établira si les faits peuvent réellement entrainer une qualification pénale ;
- Cette présence va permettre l’accès au secret de l’interrogatoire à un auxiliaire de justice dont la mission est de faire en sorte que son client bénéficie de la procédure la plus juste possible ;
- Cette présence rééquilibre les forces en présence, le gardé à vue n’est plus seul face aux enquêteurs durant les auditions ;
- L’avocat n’a pas accès à l’intégralité de la procédure. Concrètement, cela signifie qu’il connaît les raisons pour lesquelles son client est mis en cause, en revanche, il ne connaît pas le déroulé des faits et les circonstances précises qui l’ont conduit à être interpellé. Le dossier devra donc être reconstitué avec le client. Dans ce contexte, l’avocat devra obtenir un maximum d’informations, c’est à dire : les circonstances précises de la mise en cause de son client ;
- Quel est son mode de vie : emploi, lieu d’habitation, relations, a-t-il des ennemis, … ? ;
- En fonction des informations et des procès-verbaux qui lui seront communiquées, l’avocat sera en mesure de vérifier et contrôler l’existence d’éventuelles nullités de procédures ;
- En fonction du type d’infraction poursuivi, l’avocat devra informer très précisément le gardé à vue de l’opportunité des actes qui pourront être accomplis par les officiers de police judiciaire : transports sur les lieux, perquisitions, auditions de tiers, mises en présence … ;
- L’avocat va apprécier et jauger la personnalité du gardé à vue. A-t-il un mental « d’acier »? Est-il un émotionnel, anxieux, craintif ? Ou au contraire apparaît-il comme un potentiel irresponsable pénal ? En fonction de cette appréciation, l’avocat pourra décider de l’associer plus ou moins activement à la procédure ;
- Avec ces éléments, l’avocat sera en mesure d’élaborer une ou plusieurs tactiques, voire une stratégie de défense.
La « garde à vue », la préparation de l’audition en amont avec son avocat
Le Code de Procédure Pénale (CPP) interdit à l’avocat d’intervenir durant l’audition de garde à vue.
L’objectif de l’avocat est ainsi de conseiller son client, en amont des auditions, afin qu’il ait bien à l’esprit cette exigence. Plusieurs règles d’ordre général s’imposent donc :
- Ne pas accepter la tenue d’une audition sans la présence de son avocat ;
- Porter à la connaissance de son avocat toute information susceptible d’intéresser l’enquête ;
- S’entretenir préalablement à l’audition avec son avocat pour savoir exactement quelle réponse à donner ou non aux questions qui seront posées ;
- Envisager l’opportunité ou non de recourir à son droit au silence.
La « garde à vue », l’audition face aux enquêteurs en présence de son avocat
L’objectif du placement d’une personne en garde à vue est, pour les officiers de police judiciaire, sous le contrôle du ministère public ou du juge d’instruction, d’entendre et d’interroger une personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction.
L’ensemble des auditions sera recueilli sur un procès-verbal.
1/ L’importance capitale du procès-verbal d’audition
Le procès-verbal d’audition, communément appelé PV d’audition, est le rapport qui sera rédigé par les officiers de police judiciaire suite aux auditions du gardé à vue.
Ils seront ensuite intégrés à son dossier pénal.
Chaque acte de police judiciaire doit être écrit. Et l’audition de garde à vue en fait bien évidemment partie.
L’enquête ou l’instruction s’apparente ainsi à l’écriture d’un livre, généralement établi par ordre chronologique, de la saisine des OPJ jusqu’au déferrement du mis en cause.
Dans le cadre d’une procédure pénale, le procès-verbal d’audition a une importance capitale.
Schématiquement, il représente, en un, le passeport, le curriculum vitae et la lettre de motivation du suspect.
Tout ce qui sera dressé sur le PV permettra aux magistrats de se faire une idée du dossier, de la personnalité du mis en cause et de son éventuelle responsabilité.
C’est la raison pour laquelle il est impératif que le PV d’audition reflète le plus fidèlement possible l’exacte teneur des entretiens et la personnalité du mis en cause.
Chaque phrase, chaque réponse compte. Il est donc nécessaire d’éviter toute réponse susceptible de créer une confusion, une mauvaise interprétation, ou susceptible d’handicaper toute stratégie de défense future.
Rappel essentiel en GAV :
- Ne jamais aller au-delà d’une question posée ;
- Ne pas répondre à la place des autres ;
- Vous avez le droit de ne pas savoir et de vous taire.
À l’issue de l’audition, une relecture de l’ensemble du procès-verbal doit être opérée avec soin et minutie. Si le mis en cause considère que ses propos ont été mal retranscrits, il doit en informer les enquêteurs afin que soient opérées les modifications subséquentes.
Dans l’hypothèse où l’audition relèverait une certaine tension avec les enquêteurs, il est nécessaire de la retranscrire au procès-verbal.
2/ Le droit au silence.
La loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 consacre le droit pour le gardé à vue de garder le silence lors des auditions et confrontations.
Le gardé à vue peut exercer ce droit à tout moment.
Ce droit ne s’applique pas à la déclinaison de l’identité du gardé à vue.
Concrètement, il s’agit ici du droit de ne pas s’auto-incriminer.
Cela signifie que ce n’est pas au mis en cause de rapporter la preuve de sa culpabilité ou de son innocence, mais bien aux OPJ de mener l’enquête.
En règle générale, le contexte est le suivant :
Durant l’audition de garde à vue, ce sont les enquêteurs qui posent les questions et « mènent le bal ».
Recourir au silence doit donc avoir « stratégiquement » pour but d’inverser les rôles, savoir plus précisément de quoi est constitué le dossier, à charge comme à décharge…
Ainsi, le gardé à vue, lorsqu’il n’est pas en mesure de savoir où souhaitent l’emmener les enquêteurs, peut déclarer : « Je refuse de répondre à votre question ».
En aucune manière le droit de recourir au silence ne doit être interprété comme un aveu de culpabilité. En effet, le mutisme n’est pas reconnaissance de culpabilité.
Dans l’hypothèse où les enquêteurs reviendraient plusieurs fois sur la même question à laquelle le gardé à vue leur aurait opposé son droit au silence, l’avocat sera en mesure de le mentionner au procès-verbal au motif que le droit de son client à ne pas s’auto-incriminer n’est pas respecté.
Le recours au silence doit être envisagé dans des circonstances bien précises, comme par exemple dans le cadre d’arrestations groupées, d’affaires concernant d’autres personnes susceptibles de contredire les déclarations du suspect, ou dans le cadre de la poursuite d’infractions complexes ou les enjeux et les risques pour le gardé à vue sont importants.
Ce droit peut également avoir pour but de contrôler sa parole en ne répondant qu’aux questions permettant de faire avancer sa thèse.
Compte-tenu que le mis en cause ne dispose pas « encore » du droit d’accéder à l’intégralité de la procédure le concernant, le droit au silence s’avère bien entendu nécessaire pour mieux comprendre et être informé par les officiers de police judiciaire des éléments à charge et éventuellement à décharge du dossier.
L’objectif n’est autre que de constituer son dossier au moyen de l’interrogatoire, en s’en servant non pas comme un handicap mais bel et bien comme un atout.
Au fur et à mesure des auditions et du déroulé de la garde à vue, le suspect et son avocat seront en mesure de reconstituer le puzzle de la procédure.
La réforme de la procédure pénale est actuellement, c’est-à-dire toujours, en projet.
Il est à espérer que cette réforme verra naître de nouveaux droits aux gardés à vue, indispensables à la consécration effective du droit à un procès équitable, notamment l’accès pour l’avocat à l’intégralité de la procédure concernant son client placé sous le régime de cette procédure.