Le harcèlement (Partie IV – Le harcèlement moral)
H/ Sur les obligations de l’employeur en matière de harcèlement moral
L’employeur a une obligation de sécurité et donc une obligation de résultat.
Ainsi, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir le harcèlement moral, article L.1152-4 du Code du travail.
Il lui appartient ainsi de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les actes de harcèlement moral.
Par ailleurs, l’article L. 4121-1 du Code du travail met à la charge de l’employeur l’obligation de protéger la santé physique et mentale des salariés.
A cette fin, l’employeur doit mettre en place des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ou encore, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Ainsi, l’employeur ne doit pas se contenter de mettre fin aux agissements de harcèlement moral. Il a l’obligation de tout mettre en œuvre pour que le harcèlement ne survienne pas.
A défaut, il peut être condamné pour manquement à son obligation de sécurité.
Le règlement intérieur doit rappeler les dispositions relatives à l’interdiction de toute pratique de harcèlement moral dans l’entreprise.
Précision :
Que doit faire l’employeur étant soumis à une obligation de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.
1/ L’employeur ne doit pas seulement justifier qu’il a agi de manière réactive et immédiate, dès la connaissance des faits « susceptibles de constituer un harcèlement moral » (même si à ce stade le harcèlement -moral ou sexuel- est simplement alléguée et non établi).
C’est la partie la plus « facile » pour l’employeur, qui peut arbitrer et si besoin, prendre les mesures disciplinaires adéquates.
2/ L’employeur doit aussi et surtout travailler en amont sur la prévention primaire et justifier qu’il a bien déployé toutes les diligences propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral et sexuel prévues par les articles L. 4121-1 et 2 du Code du travail.
Article L. 4121-1 du Code du travail :
- « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
L’article L. 4161-1 dispose des risques professionnels :
- Des contraintes physiques ;
- Un environnement physique agressif ;
- Certains rythmes de travail.
Article L. 4121-2 du Code du travail
- « L’employeur met en œuvre les mesures prévues àl’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».
Ces 9 principes généraux de prévention, constituent la base de toute politique efficace de prévention des risques professionnels.
Parmi ceux-ci, les actions d’information-sensibilisation et de formation, à destination de l’encadrement notamment, paraissent particulièrement pertinentes aux yeux de la Cour de Cassation.
Autrement dit pour ménager sa défense et parvenir à s’exonérer de sa responsabilité, l’employeur doit être en mesure de justifier qu’il a agi « à froid » et pas uniquement « à chaud » en prenant des mesures adaptées (qu’il aura intérêt à acter et à formaliser).
I/ Sur les preuves d’un acte de harcèlement moral
Dès les premiers agissements, il est indispensable d’établir un récit précis des faits et de leur chronologie par la tenue d’un cahier de bord, en vue de la constitution d’un éventuel dossier et de l’élaboration de preuves.
En cas d’action civile en justice, le plaignant (à savoir le salarié) doit rapporter les éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement (établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants).
La partie défenderesse (l’employeur) devra prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il n’est pas toujours facile pour une personne de prouver le harcèlement moral dont il est victime.
La victime doit établir des faits « précis et concordants » permettant de présumer l’existence d’un harcèlement.
Elle doit donc établir la preuve des agissements ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Les preuves peuvent être rapportées par témoignages, mails, SMS, courriers, etc.
Attention, la victime doit apporter la preuve de la réalité des faits mais elle n’a pas à prouver que ces faits sont constitutifs de harcèlement.
Pour rappel : La personne qui dénonce ou combat le harcèlement moral ne peut pas être sanctionnée pour ce motif.
J/ Sur les recours contre le harcèlement moral au travail
Avant de saisir le juge, le salarié peut aussi recourir à une procédure non contentieuse.
1/ Alerter les représentants du personnel ou l’inspection du travail
Dès lors qu’elle est victime de harcèlement moral, la victime peut alerter les représentants du personnel.
Ces représentants peuvent alors aider la victime dans ses démarches et disposent d’un droit d’alerte lui permettant de prévenir l’employeur de tout cas de harcèlement moral.
Ils peuvent saisir l’employeur de toute atteinte à la santé physique et mentale d’un salarié. Ce dernier est alors tenu de procéder sans délai à une enquête et de prendre les dispositions pour remédier à cette situation (article L. 2313-2 du Code du travail).
Les organisations syndicales peuvent ester en justice en lieu et place du salarié après avoir reçu son accord écrit.
De même, la victime de harcèlement moral peut alerter l’inspection du travail.
Ce dernier peut alors décider de transmettre ou non le dossier à la justice.
Son rôle est d’écouter, d’analyser les situations, de conseiller les personnes et agir selon les moyens dont elle dispose.
En cas d’infractions caractérisées et objectives, l’inspection du travail à la possibilité de relever l’infraction par PV (Procès-Verbal) transmis au Procureur de la République.
2/ Consulter le médecin du travail
Il est conseillé de prendre rendez-vous avec le médecin du travail qui suit l’entreprise.
Il s’agit en effet, d’un interlocuteur privilégié en matière de souffrance au travail.
Le médecin du travail peut être rencontré en dehors des locaux pour un entretien médico-professionnel et un examen médical à la demande du salarié qui n’a pas à en informer son employeur.
Le médecin du travail est tenu au secret professionnel. Il est à l’écoute du salarié et peut lui apporter une aide au regard de la situation de l’entreprise.
Il peut par exemple conseiller l’employeur sur des mesures telles que l’aménagement du poste, voire une mutation justifiée par des considérations relatives à la santé physique et mentale.
3/ Informer et consulter l’employeur
Le salarié, après avoir pris conseils utiles, peut saisir directement par écrit l’employeur des faits dont il s’estime victime.
Ce dernier, compte tenu de ses obligations qui engagent sa responsabilité pénale, doit prendre toutes les mesures nécessaires au rétablissement de condition de travail normales.
4/ Engager une procédure de médiation
La victime de harcèlement moral, mais aussi la, personne mise en cause, peut aussi engager une procédure de médiation avec l’auteur des faits.
Le médiateur est choisi par accord entre les deux parties.
Le médiateur a pour mission de concilier les parties.
Il doit ainsi soumettre aux parties des propositions écrites pour mettre fin au harcèlement, en dispose l’article L. 1152-6 du Code du travail.
5/ Saisir le Conseil de prud’hommes
La victime de harcèlement moral peut également saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir réparation du préjudice subi.
Cette saisine doit s’effectuer dans un délai de 5 ans après le dernier fait de harcèlement.
La procédure devant le Conseil de prud’hommes a toujours lieu contre l’employeur même si ce n’est pas lui l’auteur direct du harcèlement.
En effet, l’employeur est alors jugé pour ne pas avoir protégé son salarié contre des faits de harcèlement moral.
6/ Saisir le juge pénal
La victime peut aussi poursuivre l’auteur du harcèlement moral devant le juge pénal.
La saisine du juge pénal peut venir en complément d’une plainte devant le Conseil de prud’hommes.
Ainsi, par exemple, la victime de harcèlement moral peut poursuivre l’employeur devant le Conseil de prud’hommes et le chef de service, auteur des faits délictueux, devant le juge pénal.
7/ Saisir le Défenseur des droits
Si la victime considère que le harcèlement moral est motivé par une discrimination (par exemple, l’origine, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, etc.); elle a alors la possibilité de saisir le Défenseur des droits.
J/ Sur les sanctions encourues par l’auteur du harcèlement moral
Le salarié ayant commis des actes de harcèlement moral peut se voir infliger des sanctions disciplinaires, civiles et pénales.
Sanction disciplinaire : le salarié qui a commis des agissements de harcèlement moral est passible de sanctions disciplinaires : mise à pied, rétrogradation, mutation, licenciement, etc.
Sanction civile : l’auteur de harcèlement moral peut être condamné par le juge civil à verser à sa victime des dommages-intérêts.
Sanction pénale : l’auteur de harcèlement moral peut également être condamné pénalement. Le harcèlement moral constitue en effet un délit pénal puni de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
En outre, l’auteur du harcèlement peut être condamnée à verser des dommages et intérêts (préjudices moral, frais médicaux, …).
Précision
En matière pénale, le salarié ne bénéficie pas de l’aménagement de la charge de la preuve qui existe au civil. Au civil, la preuve du harcèlement ne repose pas sur le seul salarié.