Le droit de travail « négocié » (Partie I)
Le droit de travail négocié et la primauté de l’accord d’entreprise
Loi, règlement, convention collective et accord de branche, accord d’entreprise, usages, contrat de travail… Les normes du droit du travail sont nombreuses et variées.
Elles ont été jusqu’à une date récente installées dans une hiérarchie de haut en bas, laissant aux acteurs de l’entreprise un champ restreint qui se concentre dans la négociation des conventions et accords collectifs sans trop de dérogation.
Les grands principes portant sur la hiérarchie des normes ont, au fil du temps, subis des coups de canifs, à travers les lois Auroux de 1982, la loi de 2004 sur la formation, l’emploi et la démocratie sociale, la loi de 2008 sur la démocratie sociale et la réforme de la durée du travail, et la loi El Khomri de 2016.
Désormais, il existe tout un tas de sujets sur lesquels des dispositions dérogatoires défavorables sont autorisées.
En matière de durée du travail, de repos et de congés, l’accord d’entreprise peut déroger à l’accord de branche dans un sens moins favorable dans la plupart des cas.
a) Sur l’accord d’entreprise qui s’imposera désormais aux salariés
En effet, le principe de faveur a été remis en cause, en permettant à un accord d’entreprise d’être moins favorable qu’un accord de branche dans certains domaines (articles L. 2253-1 du Code du travail) :
- Salaires minimums, classifications, garanties collectives en matière de protection sociale complémentaire, mutualisation des fonds de la formation professionnelle, contingent d’heures supplémentaires, aménagement du temps de travail, convention de forfait, compte épargne temps, travail de nuit, temps partiel, dispositions relatives au recours aux CDD, au travail temporaire et aux CDI-C et à l’égalité professionnelle.
b) Sur les réformes législatives ayant écarté le principe de faveur
Plusieurs réformes législatives successives ont écarté l’application du principe de faveur et ont inversé les normes à travers une prétendue simplification des règles du droit du travail :
- L’ordonnance du 16 janvier 1982 et surtout deux lois de 1986-1987 autorisent des accords collectifs (de branche puis d’entreprise) à déroger à des dispositions législatives en matière de temps de travail (modulation-annualisation, etc.) ;
- La loi du 4 mai 2004 autorise un accord d’entreprise à déroger à un accord de branche ; cependant, des verrous sont posés : les signataires de l’accord de branche peuvent décider que les dispositions de cet accord constituent un plancher auquel un accord d’entreprise ne pourra pas déroger ;
- En 2008, 2012 puis en 2013 et 2015, des lois prévoient que dans certains cas (aménagement du temps de travail, emploi), un accord d’entreprise s’imposera au contrat de travail même si l’accord n’est pas plus favorable au salarié que son contrat ;
- La loi du 8 août 2016, dite EL Khomri, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, a achevé cette inversion des normes s’agissant de la durée du travail en ouvrant tous les items de la durée et des horaires de travail à la négociation d’entreprise.
- Cette loi donne priorité à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de durée du travail et de congés (le temps de travail est le laboratoire des évolutions du droit du travail).
- Les signataires de l’accord de branche ne peuvent plus décider que les dispositions de cet accord en matière de durée du travail constituent un plancher auquel un accord d’entreprise ne pourra pas déroger.