La Jurisprudence source éventuelle de droit
La Jurisprudence est-elle source de droit ?
La jurisprudence reflète la façon dont les tribunaux interprètent le droit et les lois.
Constituent-elles une des sources du droit et est une référence pour d’autres jugements ?
Au milieu du XX siècle, les débats doctrinaux furent vifs, voire très vifs, quant à la question de savoir si la jurisprudence devait être considérée comme une source de droit.
En d’autres termes, le juge crée-t-il le droit ?
Il est de principe que les tribunaux ne peuvent rendre « des arrêts de règlements ».
C’est à dire qu’ils ne peuvent se substituer ni au pouvoir législatif, ni à celui de l’autorité administrative disposant du pouvoir réglementaire pour définir une règle obligatoire.
L’article 4 et 5 du Code civil énonce clairement la position.
En effet, il n’est pas possible de faire référence à une décision rendue dans un litige différent et le juge est obliger de trancher le litige qui lui est soumis mais sa décision ne concerne que ce litige précis.
Il n’en reste pas moins qu’il est toujours intéressant de savoir comment un juge a tranché telle ou telle difficulté et de l’invoquer comme précédent. Si évidemment l’on se trouve dans une solution comparable.
Mais rien ne lie le juge. Ce sont les aléas des « revirements » de jurisprudence.
Mais si la règle du précédent n’a pas cours en France, il est cependant évident que plus on monte dans la hiérarchie judiciaire, plus les décisions qui sont prises par les tribunaux ont du poids sur les juridictions inférieures qui ont tendance à s’aligner sur les décisions des Cours d’Appel et sur celles de la Cour de Cassation.
C’est d’ailleurs le rôle de cette dernière, d’uniformiser la JP afin d’éviter la disparité des jugements et des arrêts dans une matière donnée.
Des revues et des collections mises périodiquement à jour permettent de prendre connaissance des jugements et des arrêts publiées.
Le service de Documentation et d’Études de la Cour de Cassation édite 2 « bulletins d’informations » par mois le plus souvent en résumé.
Cependant aucune règle ne fait obstacle à ce qu’un juge rende un jugement contraire à un principe formulé par la juridiction la plus élevée dans la hiérarchie judiciaire.
Et rien ne permet à priori de penser que la résistance de ce juge ne sera pas finalement reconnue par la Cour de Cassation.
Mais, …..
La jurisprudence, notamment celle de la Cour de cassation et du Conseil d’État, est parfois présentée comme une source de droit du travail du fait qu’elle pose certaines règles relatives à des points non précisés par la loi.
A la lecture de certains arrêts des cours suprêmes, il semble assez évident que la jurisprudence crée du droit.
- Jean-Yves FROUIN, ancien président de la Chambre sociale de la Cour de Cassation affirme sans détour que :
- « La jurisprudence sociale a produit et produit de manière habituelle du droit positif comme si elle était une source autonome de droit et qu’elle se comporte en outre comme si elle avait naturellement se pourvoir normatif ».
Exemple :
- La consécration du principe « A travail égal salaire égal » Cass Soc. du 29 septembre 2010 n° 92-43680 ;
- L’ajout, parmi les causes justificatives des licenciements économiques, de la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité Cass Soc. du 5 mai 1995 n° 93-42690 ;
- L’interdiction de l’usage de la résiliation judiciaire par l’employeur Cass Soc. du 9 mars 1999 n° 96-41734 ;
- La reconnaissance du préjudice d’anxiété pour certains travailleurs de l’amiante Cass Soc. du 11 mai 2010 n° 09-42241 et 09-42257.
Cette œuvre créatrice intervient lorsque le juge est conduit à interpréter un texte imprécis, un texte obscur, ou encore un texte ancien qui n’est plus adapté à la société du jour.
Plus rarement, le juge peut être conduit à créer du droit sans prendre appui sur une règle de droit. Cela pourra être le cas lorsque le cas d’espèce qu’il doit trancher n’est couvert par aucun texte. Il a alors l’obligation de suppléer la carence du législateur, au risque de se rendre coupable de déni de justice.
Enfin par une décision du 13 janvier 2005, le Conseil Constitutionnel a reconnu la jurisprudence comme source de droit.
En conclusion
Contrairement à ce qui peut se pratiquer dans les pays de la Common Law, il n’est pas possible, pour un juge, de citer expressément un arrêt de Cour de Cassation (sa date, son numéro de pourvoir ou encore la chambre) lorsqu’il se prononce sur une affaire.
En revanche, le juge peut s’appuyer au besoin sur l’attendu de l’arrêt de principe de l’arrêt de la Cour de Cassation.
Le législateur reste le créateur suprême de la norme.
C’est bien le parlement, qui tient son pouvoir de la souveraineté nationale, qui est légitime pour créer la norme en vertu de l’article 24 de la constitution.
Ainsi peut-il intervenir à tout moment pour corriger la jurisprudence, pour l’inscrire dans la loi, ou encore la contredire.