Incidence du transfert d’entreprise avec les contrats de travail
Le point à retenir
Lors d’une opération de restructuration, les contrats de travail en cours sont transférés automatiquement au repreneur par l’effet de l’article L. 1224-1 (anciennement L. 122-12) du Code du travail sous réserve de respecter certaines conditions.
L’article L. 1224-1 du Code du travail prévoit explicitement le transfert des contrats de travail.
Les contrats de travail des salariés se poursuivent avec un nouvel employeur lorsque l’entreprise est vendue, transmise par succession, absorbée par une autre entreprise …
Ce transfert d’entreprise a des incidences sur la politique sociale de l’entreprise et les droits et devoirs des salariés.
Le transfert des contrats de travail
Article L. 1224-1 du Code précité dispose :
« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».
Cette disposition, qui est d’ordre public, s’impose tant aux salariés, sans qu’ils puissent y faire échec (par exemple par le refus des salariés d’être transférés), qu’aux employeurs et s’appliquent à tous les contrats qui existent au jour de la modification.
Le salarié ne peut refuser la poursuite de contrat de travail auprès de nouvel employeur (Cass. Soc. 27 juin 2002, n° 00-44.006).
Si les salariés ne souhaitent pas que leur contrat se poursuive chez le nouvel employeur, ils peuvent très bien démissionner avant le transfert, mais en aucun cas ils ne pourront exiger la poursuite de leur contrat de travail avec l’ancien employeur, ni obliger celui-ci à les licencier.
Un salarié qui refuse d’exécuter son contrat de travail chez le nouvel employeur pourra être licencié par ce dernier. Supportant ainsi la charge de la rupture, le salarié n’aura pas droit au versement des indemnités (indemnité́ de rupture, dommages et intérêts).
L’arrêt de la Chambre Sociale du 26 septembre 1990, n° 87-41.092, le rappelle clairement, le transfert s’impose à la fois aux salariés, à l’employeur initial et au nouvel employeur.
Enfin, il semble, utile de rappeler que pour être transférés, il faut que les contrats de travail soient en cours. Les contrats suspendus pour cause de grossesse ou de maladie par exemple seront aussi transférés. Les contrats déjà rompus ne seront eux pas transférés.
Les conditions d’application du transfert
Selon une jurisprudence constante, notamment Cassation, Assemblée plénière du 16 mars 1990, pourvoi n° 89-45.730 et n° 86-40.686, l’article L. 1224-1 du Code de travail s’applique à tout « transfert d’une entité économique conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ».
Le transfert s’opère donc en présence de deux conditions cumulatives :
1-Existence d’une entité économique autonome
Les contrats sont donc automatiquement transférés quand le changement d’employeur emporte le transfert d’une entité économique autonome ; à savoir une unité de travail qui peut fonctionner sans le reste de l’entreprise.
Précisément, la cour de cassation, Chambre Sociale du 7 juillet 1998, n° 96-21.451, définit l’entité économique comme « un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ».
Quand toute l’entreprise change d’employeur, il y a transfert d’une entité économique autonome. La question ne se pose que quand c’est « une partie » de l’entreprise qui est cédée.
2-Une activité conservant son identité et poursuivie ou reprise
– L’identité de l’activité doit être maintenue
L’entité économique doit conserver son identité après le transfert, ce qui résulte notamment de la poursuite ou de la reprise par le repreneur de l’activité avec les moyens d’exploitation nécessaires.
Cette condition doit être appréciée au regard de l’activité transférée. L’activité n’a pas à être entièrement identique, elle peut très bien être connexe ou analogue à partir du moment où son objet est conservé. De même, les conditions de fonctionnement peuvent être différentes (nouveau matériel, nouvelles techniques, nouveaux financements, etc.).
La seule poursuite d’une activité identique ne peut suffire à caractériser le transfert d’une entité économique autonome (Cass. Soc. 26 juin 2008, n° 07-41.294).
– L’activité́ doit être poursuivie ou reprise
Le maintien de l’identité de l’entité n’est pas suffisant, l’activité doit être poursuivie ou reprise et doit s’inscrire dans la durée. Il a été jugé qu’une activité interrompue puis postérieurement reprise par l’ensemble des salariés licenciés ne permet pas l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail.
Le transfert des « normes conventionnelles »
Le transfert emporte de nombreuses conséquences sur les « normes conventionnelles ».
Les accords et normes devront être étudier précisément afin que les anciens et nouveaux salariés soient tous soumis au même statut conventionnel.
L’employeur pourra négocier des accords de transition afin de régler la situation des salariés dans la nouvelle entité. Les accords collectifs de l’entreprise seront ensuite renégociés de façon plus pérenne.
Lors du transfert, les accords collectifs sont automatiquement mis en cause et disparaîtront quinze mois après. Pour éviter ce vide conventionnel, l’employeur doit négocier un accord dit « de substitution ». Depuis 2017, il est maintenant permis d’anticiper cette négociation avant le transfert afin de rassurer les représentants du personnel de la société qui verra tout ou partie de ses salariés transférés.
Le transfert du passif
Le transfert des contrats de travail a aussi une incidence sur l’employeur du point de vue de la prise en charge des sommes dues aux salariés par l’ancien employeur. La prise en charge du passif est prévue par l’article L. 1224-2 du Code du travail, celui-ci dispose :
« Le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :
1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;
2° Substitution d’employeurs intervenue sans qu’il y ait eu de convention entre ceux-ci.
Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s’il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux ».
En conséquence, dans les cas énumérés dans cet article, le transfert des contrats de travail n’emmène pas transfert du passif.
Le nouvel employeur n’a pas à prendre en charge ce qui est dû aux salariés quand il n’y a pas eu de contrats entre les deux employeurs ou quand l’entreprise est en procédures collectives.
Dans les autres cas, les sommes qui doivent être payées aux salariés seront prises en charge par le nouvel employeur.
Cette prise en charge du passif aura bien souvent été négociée entre les employeurs successifs lors des négociations d’entreprises. Même si elle ne l’a pas été, elle s’impose au nouvel employeur en vertu de la loi.
Le transfert conventionnel des contrats de travail
Quand les conditions légales de transfert ne sont pas réunies, il est possible d’envisager un transfert conventionnel des contrats de travail.
Dans ce cas, il faudra des négociations entre les deux employeurs et les différences instances représentatives du personnel quant à ce transfert.