Le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre
Le marchandage et le prêt illicite de main d’œuvre sont des délits prévus par le Code du travail pour punir des situations d’utilisation de la main d’œuvre d’une entreprise par une autre. Ces deux délits étant différents, ils peuvent se cumuler sur une même situation.
Le prêt illicite de main d’œuvre
Le prêt illicite de main d’œuvre est prévu par les articles L. 8241-1 et suivants du Code du travail.
Il s’agit de l’interdiction d’opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre, hormis les exceptions prévues par les textes comme le portage salarial ou les entreprises de travail à temps partagé.
Il y a donc deux conditions pour caractériser le prêt illicite de main d’œuvre :
- Le but exclusif du prêt de main d’œuvre :
Il s’agit du cas où le prêt de personnel est le seul objectif du contrat conclu entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice.
Cette question du but permet une distinction entre le prêt illicite de main d’œuvre et le contrat d’entreprise dans lequel le prêt de main d’œuvre est un moyen de réalisation de l’objet du contrat (Cass. Crim., 26 mai 1988, n° 86-91.989).
Le juge devra alors vérifier selon quelles modalités le contrat est réellement exécuté. Il faudra qu’il y ait transmission d’un savoir ou mise en œuvre d’une technicité spécifique (Cass. Crim., 9 juin 2002, n° 00-41.156).
Il y aura des suspicions de prêt illicite de main d’œuvre quand le matériel est fourni par l’entreprise utilisatrice (Cass. Crim., 15 juin 1984, n° 93-94.721) ou quand la définition des tâches et de l’organisation du travail est faite par elle (Cass. Crim., 25 avril 1989, n° 87-81.212).
- Le caractère lucratif :
Pour que le prêt illicite de main d’œuvre soit caractérisé il faut que l’une des deux entreprises parties au contrat en retire un profit.
Ce sera par exemple le cas lorsque la facturation de l’entreprise prêteuse excède le coût du salaire et des charges sociales (Cass. Soc., 12 octobre 2016, n° 14-20.032).
Le prêt illicite de main d’œuvre est puni, pour les personnes physiques, de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (L. 8243-1 du Code du travail).
Pour les personnes morales, les peines d’amende sont multipliées par 5.
Des peines complémentaires peuvent être prononcées et la responsabilité civile des entreprises peut être engagée.
Le marchandage
Proche du prêt illicite de main d’œuvre, le délit de marchandage s’en distingue tout de même.
Il est prévu par les articles L. 8231-1 et suivants du Code du travail.
Il s’agit d’interdire toute opération à but lucratif de fourniture de main d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de la stipulation légale ou conventionnelle.
Le marchandage est lui aussi puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
Il y aura ici deux conditions pour caractériser ce délit :
- L’existence d’une opération à but lucratif de fourniture de main d’œuvre ;
- L’existence d’un fait dommageable ici de cette opération ou d’une fraude à la loi.
Le fait dommageable pourra être une perte financière pour le salarié (Cass. Crim, 22 juin 1993, n° 92-82.928) ou une privation de certains droits sociaux (Cass. Crim, 16 juin 1998, n° 97-80.138).
Pour ce qui est de la fraude à la loi, il a par exemple été reconnue une situation de marchandage lorsque le contrat est mis en place pour éviter de mettre en place des IRP (Cass. Crim, 10 février 1998, n° 97-81.195).
Le fournisseur de la main d’œuvre pourra être tenu responsable ainsi que l’utilisateur en tant que co-auteur du délit de marchandage