Les Courriels privés au travail – Droit à la vie privée des salariés
Les juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) réaffirment le droit à la vie privée des salariés.
Le 1er août 2007, un ingénieur roumain avait été licencié par son employeur pour avoir échangé des courriels privés notamment avec son épouse et son frère via sa messagerie professionnelle.
Une pratique interdite par le règlement intérieur de l’entreprise. Celui-ci ne comportait par ailleurs aucune mention relative à la possibilité pour l’employeur de surveiller les communications de ses employés.
Cette sanction a été confirmée par le Tribunal départemental de Bucarest, puis par la cour d’appel.
Le salarié licencié a décidé de contester cette décision devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Le requérant a allégué en particulier que la décision de son employeur de mettre fin à son contrat de travail reposait sur une violation à son égard du droit au respect de la vie privée et de la correspondance garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et que les juridictions internes ont manqué à leur obligation de protéger ce droit.
Selon lui son droit au respect de la vie privée avait été particulièrement bafoué par son employeur lorsqu’il l’avait mis sous surveillance.
Si la CEDH a, dans un premier temps le 12 janvier 2016, considéré que l’accès de son employeur aux courriels privés du salarié était justifié, considérant « qu’il n’est pas abusif qu’un employeur souhaite vérifier que ses salariés accomplissent leurs tâches professionnelles pendant les heures de travail », CEDH Barbulescu v. Romania 12 janvier 2016, n°61496/08, elle s’est ravisée en appel (la Grande chambre), ce qui est relativement rare.
Se fondant, entre autres, sur l’arrêt Copland c. Royaume-Uni, n° 62617/00, §§ 43-44, CEDH 2007‑I, il a été avancé l’argument selon lequel la décision de le licencier avait été illégale et qu’en surveillant ses communications et en accédant à leur contenu, son employeur avait enfreint le droit pénal.
Dans son arrêt, rendu le 5 septembre dernier, la CEDH a donc estimé que les autorités roumaines n’avaient pas protégé de manière adéquate le droit du requérant au respect de sa vie privée et de sa correspondance. Il y avait donc eu violation de l’article 8 précité.
Concrètement, si elle n’a pas remis en question le droit d’un employeur à surveiller les communications électroniques de ses salariés, elle a rappelé que ce contrôle doit intervenir dans un cadre strict, avec motifs légitimes, information préalable des salariés, définition de l’étendue de la surveillance et absence d’alternative à ce processus de surveillance….
Ce qui n’avait pas été le cas dans cette affaire.